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Le Temps :  » Ma société licencie, vais-je être touché? « 

Malgré un ciel clair sur l’emploi suisse, les perspectives conjoncturelles présagent certains nuages. De petite ou grande envergure, les restructurations restent des moments douloureux. Les plus jeunes ne sont pas les premiers à prendre la porte, et les motifs de ces départs varient d’un secteur à l’autre.

Début février, Migros a annoncé la suppression de 1500 postes à temps plein. Idem pour 160 places menacées dans les bureaux zurichois de Google. Dans son communiqué du 29 février, le baromètre KOF reculait de 0,9 point et présageait une dégradation des perspectives d’emploi dans l’hôtellerie, la restauration ainsi que les services financiers et d’assurance. Des licenciements sont prévus chez Sunrise, Credit Suisse, Novartis ou encore la filiale DMC de La Poste. Inutile de mentionner le secteur de la presse, où les annonces de suppressions d’emplois se sont multipliées, ici et là, durant l’année écoulée.

La situation actuelle témoigne d’un certain particularisme. Malgré un ralentissement conjoncturel de l’économie et le contexte inflationniste qui s’essouffle légèrement – bien qu’encore stagnant et élevé, révélait le rapport annuel du surveillant des prix –, certaines tensions sur le marché de l’emploi persistent en ce début de 2024. Les besoins de recrutement augmentent dans des secteurs employant des travailleurs essentiels, comme la santé ou l’informatique. L’OFS soulignait, dans son décompte du 23 février, que le nombre de postes de travail en Suisse avait augmenté de 1,7% sur un an à 5,5 millions au quatrième trimestre 2023. Un indicateur des prévisions de l’évolution positif, «même si la prudence reste de mise», indiquait l’OFS dans son communiqué.


Il n’empêche qu’un bon nombre de restructurations surviennent, à petite et grande échelle. Alors, dans le tourbillon de ces départs massifs se posent des questions, douloureuses et parfois lancinantes. Entre autres: qui conserver, et qui faire partir? Et surtout, existe-t-il des secteurs – voire des profils – plus à risque que d’autres?


Une «logique de profit» qui désavantage les plus âgés
Prenons d’abord la guillotine de l’âge. Un facteur très souvent cité et qui, semble-t-il, est manifeste en cas de mises à la porte. Comprendre: plus on vieillit, plus on est la cible des licenciements, plus les chances de trouver un nouveau travail par la suite diminuent. «Il faut bien avoir en tête que les premiers licenciés sont très fréquemment les plus chers. C’est-à-dire, bien souvent, les plus âgés. Et ce, malgré le fait qu’ils ne retrouveront pas de travail, ou plus difficilement», affirme Yves Defferrard, l’un des membres du comité directeur d’Unia. La logique qui s’applique en cas de suppressions d’emplois, complète Virginie Pilault, l’une des porte-parole du plus grand syndicat de Suisse, est une logique de «profit et non de responsabilité sociale».


Les chiffres du baromètre de l’emploi 2024, réalisé par le cabinet de replacement Von Rundstedt à Genève, vont dans ce sens. L’année dernière, 80% des licenciements ont touché des collaborateurs de plus de 40 ans. Mais la tranche d’âge allant de 40 à 50 ans étant pour la première fois plus touchée (à 41%) que la tranche des plus de 50 ans (39%). A contrario, les jeunes travailleurs, soit ceux de moins de 30 ans, semblent tirer leur épingle du jeu. Avec 2% de licenciements, ils sont ainsi les moins touchés par les restructurations. A noter que 3,1 mois leur suffisent en moyenne pour retrouver du travail – la moyenne générale, toutes classes d’âge confondues, étant de 6,1 mois. Ce sont également ceux qui profitent le plus des sauts salariaux, avec une augmentation d’environ 13%. La moyenne générale avoisinant les 3%.

Considérons ensuite le type de profession exercée. Certains secteurs économiques présentent plus de risques que d’autres, d’après ledit baromètre de l’emploi. A la lecture des données récoltées auprès de plus de 220 entreprises suisses, les résultats pointent vers le domaine pharmaceutique et des sciences de la vie, avec 30% des licenciements revenant à ce secteur. Les raisons? «Dans la pharma, le marché a retrouvé sa dynamique d’avant-covid, la demande est forte. Et pourtant, les pénuries de médicaments explosent. En 2023, les suppressions de postes ont été davantage liées à des restructurations pour des raisons de coûts et de rentabilité», analyse Anne Donou, la directrice romande du cabinet Von Rundstedt, spécialisé dans les transitions de carrière. «L’industrie pharmaceutique ressent plus de pression de la part des marchés financiers. Les entreprises doivent donc réajuster leurs structures de coûts pour rester compétitives.» Viennent ensuite les professions commerciales et le secteur tertiaire (respec-tivement 18% et 16%) ainsi que le secteur de la finance et des assurances (15%). En fin de liste, l’informatique révèle un petit 8% de licenciements enregistrés, soit un peu plus de 170 employés.
Quant au large domaine de l’industrie (plus de 700 000 salariés en Suisse), «cela varie selon les branches», avertit Yves Defferrard, le responsable du secteur chez Unia. Le Vaudois précise: «C’est très cyclique. Actuellement, l’horlogerie se porte assez bien, tandis que l’industrie des machines vit une période compliquée, tout comme le secteur des exportations, notamment à cause du franc fort.» Mais les syndicats peinent à fournir des chiffres précis. «Ces données se trouvent plutôt du côté des entreprises», regrette sa porte-parole.


Post-partum, accidents ou maladies
Dans le secteur de la santé, impossible de licencier en masse. Pénurie de personnel oblige, explique Beatriz Rosende Carobbio, la secrétaire centrale du Syndicat des secteurs publics (SSP). «Ici, il s’agit plutôt d’écrémage, de se débarrasser de salariés jugés moins performants au fil du temps.» Quand on lui demande qui est dans le viseur de ces licenciements, pas la moindre hésitation. «Ceux qui tombent malades ou subissent un accident.» Dans un secteur professionnel aussi contraignant physiquement que psychiquement, explique-t-elle, toute atteinte à la santé peut rapidement se traduire par un licenciement. «Dans 9 cas sur 10, dans ma pratique actuelle, les salariés se font mettre à la porte à la fin du délai de protection qui suit une maladie ou un accident. Lorsqu’on est accusé de ne plus pouvoir remplir le cahier des charges, cela condamne dans ce métier.»
Bébé à bord, et les risques augmentent encore. Perdre son emploi pour cause de maternité, ou à la suite d’un refus de l’employeur d’accorder une réduction de temps de travail, «c’est une pratique illégale, mais dont on témoigne encore régulièrement», confirme amèrement Yves Defferrard. Selon une étude de l’institut BASS, mandaté par l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS), près d’un employeur sur dix déclare licencier des femmes à leur retour de maternité, dès la fin du délai de protection de 16 semaines. 

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