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Tribune de Genève : « Dans les bureaux, six sur dix télétravaillent en 2023 « 

Le sondage de l’OFS sur la population active révèle l’ampleur du travail à domicile. Les entreprises peinent toujours à s’adapter, alerte une experte.

Si certaines entreprises tentent de freiner le recours au télétravail, le phénomène a pris une ampleur telle qu’il figure au centre de la dernière enquête sur la population active menée par la Confédération. Il y a dix ans, le simple terme était absent de cette cartographie du monde du travail.

En moyenne, près de deux employés sur cinq travaillaient au moins occasionnellement à domicile l’an dernier, décompte l’Office fédéral de la statistique (OFS). Une proportion trois, voire quatre fois plus élevée dans tous les métiers de bureau.

Devenu phénomène de société, ce changement «ne saurait être ramené à la seule question du lieu d’activité – ce qui est en jeu ici reste l’imbrication croissante entre travail et vie privée, qui n’a jamais été suffisamment repensée puis aménagée», réagit Anne Donou, directrice pour la Suisse romande au sein du réseau de recrutement von Rundstedt.

Plus d’horaires fixes

Le sondage montre que l’an dernier, près de la moitié de la population «travaillait selon un horaire flexible». En clair, sans activer la pointeuse tous les matins. Dans les activités dites du tertiaire – informatique, finance ou ingénierie – c’est devenu la règle.

«Que l’on ait des effectifs qui pointent ou pas, rien n’a été prévu pour développer une plus grande responsabilisation des effectifs, d’un côté; et, de l’autre, rétablir la confiance dans les directions d’entreprise», prévient Anne Donou, contactée vendredi à la suite du rapport de l’OFS.
Ajoutons qu’aujourd’hui, un quart de la population active travaille «régulièrement» le weekend, selon l’OFS. Cette mesure reflète surtout les fonctions requérant des astreintes – hôpitaux ou hôtels, par exemple.

Il y a dix ans, l’OFS mettait surtout l’accent sur la très forte augmentation du nombre de personnes travaillant à temps partiel – la deuxième plus forte proportion après les Pays-Bas. Une situation qui perdure: les contraintes d’horaires liées à la garde d’enfants expliquaient à elles seules le tiers des temps partiels chez les femmes.

«Il est désormais acquis de répondre à ses mails en prenant son petit-déjeuner ou de participer à des événements en soirée pour son employeur», décrit Anne Donou. En revanche, «l’entreprise n’est pas encore prête à accepter une heure prise, en semaine, pour un rendez-vous privé». Résultat, les plus anciens employés, «élevés dans un monde autoritaire et habitués à une culture du présentéisme» sont «poussés à cacher leur comportement», poursuit la spécialiste du marché du travail.

Morcellement du travail

Ce morcellement des emplois du temps a cédé la place à un éparpillement des lieux de travail. En moyenne, près de deux personnes salariées sur cinq «travaillent à domicile, ne serait-ce qu’occasionnellement». Décompte qui prend tout en compte, notamment les appels, courriels et visios avec son responsable ou ses collègues.

Cette simple moyenne cache l’ampleur du phénomène. Ce sont, sans surprise, les postes de bureaux qui ont le plus migré vers des mezzanines, buanderies ou salons réaménagés. Dans tout ce qui touche à l’informatique, le travail à domicile est pratiqué par huit salariés sur dix. Mais cela concerne également une grande majorité – plus de six sur dix – des employés dans la finance et les assurances. Ainsi que l’enseignement.

Des chiffres qui font écho à une enquête menée, il y a trois ans, par l’agence von Rundstedt sur le smart working. Ses conclusions soulignaient déjà à quel point les entreprises se bornaient à édicter des règles sur le travail à distance – exemple, deux jours autorisés par semaine – sans adapter… tout le reste. Comme la fixation des objectifs assignés à chacun, la mesure des performances et, in fine, les rémunérations.

«Quand les gens travaillent à distance, leur responsable fait face à une perte de contrôle grandissante», décrit Anne Donou. «Les outils d’intelligence artificielle ne feront qu’accentuer ce problème – en libérant encore plus de temps aux employés.»

Rémunération «au projet»

Pour la responsable de l’antenne romande de von Rundstedt, cette situation ne semble pouvoir conduire, à terme, qu’à un mode de rémunération «au projet». Les salariés étant payés en fonction de la réalisation de missions, comme des autoentrepreneurs. Une évolution que cette dernière dit observer, à la marge. Par exemple quand, après un plan de licenciement, une entreprise revient avec des propositions pour travailler deux jours par semaine en freelance.

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